Modification constitutionnelle: Vers la réinstauration du poste de vice-président de la République
Posté par sdu le 18 août 2009
YAOUNDE – 18 AOUT 2009 © Michel Michaut Moussala, Aurore Plus |
Au cours de son récent séjour officiel en terre française, Paul Biya s’est vu imposer par son homologue Nicolas Sarkozy la création d’un poste de vice-président de la République avec droit d’achever le mandat de l’actuel locataire du palais d’Etoudi au cas où ce dernier serait contraint de partir pour une raison ou une autre. |
Le problème le plus difficile ne sera pas la modification de la constitution mais de trouver l’homme ou la femme anglophone ou un originaire du Grand Nord pour occuper ce poste. Echaudés par ce qui s’est « passé en Côte d’Ivoire après le décès de Félix Houphouët Boigny en 1993, au Togo après la mort brusque d’Etienne Eyadema Gnassingbe où son fils Faure a pris le pouvoir après un simulacre d’élection en avril 2005 et inquiets de ce qui pourrait se passer au Gabon si Ali Ben Bongo Ondimba gagne le scrutin présidentiel du 30 août courant, succédant ainsi à son père El Hadj Omar Bongo Ondimba décédé le 8 juin 2009 après 42 ans de règne absolu, la droite française et son corollaire que sont les milieux d’affaires veulent d’une transition démocratique paisible au Cameroun dans le seul but de préserver leurs intérêts.
Paul Biya a accepté cette proposition que lui a faite le président français en émettant quelques réserves de fond. Comment sera effectuée cette modification de la Constitution pour réintroduire le poste de vice-président qui a déjà existé au Cameroun quand l’Etat était fédéral et qui avait été occupé par John Ngu Foncha. Il sera peut être fait par référendum ou par l’Assemblée nationale. La formule référendaire ne passera pas pour éviter le syndrome nigérien où le forcing du président Mamadou Tanja conduit le pays tout droit dans le mur. L’autre argument pour rejeter le référendum est qu’il coûte cher et que l’argent ainsi dépensé pourrait servir à autre chose. Il restera donc la seule voie parlementaire. Il n’est donc pas exclu que dans les semaines et les mois à venir l’Auguste chambre ait à se pencher sur le sujet. Et le Rdpc étant majoritaire, il votera pour cette modification. Mais il se posera plusieurs questions de taille qui ne feront pas parfois l’unanimité au sein même du Rdpc au pouvoir: le statut du vice-président, le poste de Premier ministre sera-t-il conservé ou supprimé, etc., mais le plus grand problème sera l’origine du colistier de Paul Biya pour l’élection présidentielle anticipée du 2010. A moins que…ce ne soit le président élu qui nomme le vice-président. Incohérences Paul Biya qui a une bonne formation en droit et en sciences politiques a déjà commencé à revisiter les anciennes constitutions du Cameroun, surtout celle de l’Etat fédéral qui a régi le pays de 1961 au 20 mai 1972, date à laquelle le Cameroun est devenu un Etat unitaire sous la volonté unique d’Ahmadou Ahidjo. Biya a, ou va consulter les spécialistes camerounais du droit constitutionnel. Il va également consulter comme il l’a déjà fait dans le passé les spécialistes français dans ce domaine. On se rappelle que pour mettre en place la constitution inachevée de 1996, le chef de l’Etat avait dû avoir recours à l’expertise hexagonale. Certains problèmes pourraient surgir au cours de cette révision constitutionnelle telle que la forme de l’Etat. De 1961 au 20 mai 1972, l’Etat était fédéral et s’accommodait fort bien d’un vice-président. Ahmadou Ahidjo étant francophone, le vice-président était automatiquement anglophone. Aujourd’hui, le Cameroun est un Etat unitaire décentralisé. Va-t-on conserver la même forme de l’Etat en instaurant une vice-présidence ? Quels seront les pouvoirs du vice-président ? Va-t-on fonctionner comme dans le système américain où le vice-président n’a aucun pouvoir, tous les pouvoirs exécutifs étant concentrés entre les mains du président alors que tous les deux sont élus sur un même ticket ? Va-t-on conserver le poste de Premier ministre chef du gouvernement comme c’est le cas actuellement, va-t-on lui donner un autre contenu ou va-t-on le dissoudre purement et simplement ? A moins de faire comme au Zimbabwe de Robert Mugabe où il y a un président de la République, des vice-présidents, un Premier ministre. Voilà autant de problèmes auxquels devront faire face les constitutionnalistes et autres politologues en travaillant sur les textes qui seront ensuite déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale. Du travail en perspective pour Joseph Owona, Augustin Kontchou Kouomegne, Maurice Kamto, Pierre Moukoko Mbonjo, Bipoum Woum et bien d’autres personnalités du Rdpc. Complications opérationnelles La grande question : qui sera le vice-président ou le colistier de Paul Biya au sein du Rdpc ? Au Nigeria voisin, le parti au pouvoir a fait simple: quand le candidat titulaire est originaire du Sud de la fédération, son colistier est du Nord et vice-versa. C’est ainsi que le Pdp (People’s Democratic Party) au pouvoir, a présenté à l’élection présidentielle de 1999 ainsi qu’à celle de 2003 un ticket comprenant comme candidat titulaire un Yoruba, Sud Ouest du Nigeria, le chrétien Olusegum Obasanjo et Aboutokar Attiku, un musulman du Nord de la fédération comme vice-président. De même à l’élection présidentielle d’avril 2007, le Pdp a présenté comme candidat titulaire l’actuel président, nigerian, Umaru Mussa Yar’Adua et un homme du Sud-Est, pays Ibo, comme colistier. Ce scénario bien huilé chez notre grand voisin est-il possible chez nous ? C’est là où les choses coincent. Si l’on tient compte de l’exemple nigérian ou du système Nord-Sud mis en place par les Français et Ahmadou Ahidjo, Paul Biya devrait choisir pour colistier un originaire du Grand Nord. Ce qui n’est pas évident compte tenu du contexte sociopolitique actuel fait de luttes de positionnement, de calculs mesquins et tribalistes sans oublier le putsch manqué d’avril 1984 perpétré contre Paul Biya par des éléments du Grand Nord. Et sans surtout oublier la composante anglophone du pays qui est dans son bon droit de revendiquer ce poste de vice-président qui a un statut de dauphin. La situation est très délicate pour Biya qui ne peut mettre à ce poste quelqu’un de l’ère culturelle Fang-Beti. Ainsi seraient donc exclus de ce poste les Bulu, les Ewondo, les Eton et autres Manguissa, etc. D’autres personnes pensent même qu’il faut exclure les originaires des régions du Centre, du Sud et de l’Est même si elles sont peuplées par d’autres ethnies que les Beti: Bassa, Bafia, Tikar, Babouté, Banen, Maka, etc. Ce problème s’est déjà posé quand Biya a nommé Emmanuel René Sadi comme Secrétaire général du Rdpc en avril 2007. Les Beti voulaient le poste à l’instar de Grégoire Owona, actuel secrétaire général-adjoint et par ailleurs ministre délégué à la présidence de la République chargé des relations avec les assemblées. Beaucoup d’autres ethnies ou régions voulaient le poste mais Biya avait jeté son dévolu sur René Sadi, un Babouté du Centre, département du Mbam et Kim dont l’ethnie se retrouve également dans la région de l’Adamaoua d’où elle est originaire et de l’Est du pays. Biya peut-il utiliser le même argument, le même raisonnement que Sadi appartient à une ethnie qui est présente dans trois régions du pays pour le désigner comme vice-président, sachant que pendant l’élection présidentielle Sadi pourrait faire voter pour le Rdpc une bonne frange des électeurs de l’Adamaoua plus enclins à voter l’Undp de Maïgari Bello Bouba, le leader de ce parti de l’opposition allié au Rdpc et ministre d’Etat en charge du Transport dans l’actuel gouvernement ? Calculs politiciens sous jacents Si le poste de vice-président vient à être créé, le Grand Nord fera entendre sa voix. Car selon certains nostalgiques de l’axe Nord-Sud, originaires du Grand Nord, il devrait leur revenir étant donné que son détenteur est considéré comme le successeur constitutionnel de l’actuel chef de l’Etat, Paul Biya. Un peu comme ce même Biya, Premier ministre de 1975 à 1982, était selon la constitution de cette époque successeur constitutionnel du président Ahmadeu Ahidjo. Les prétendants sont nombreux dans le Grand Nord. On peut citer pêle-mêle Amadou Ali, Cavaye Yeguié Djibril, Marafa Hamidou Yaya, etc. On oublie une chose: Biya, s’il lui arrivait de nommer un originaire du Grand Nord ne pourra pas nommer un Peulh musulman ou quelqu’un du département de la Bénoué (celui d’origine d’Ahmadou Ahidjo et de Marafa) mais plutôt un originaire de l’Extrême Nord non peulh et chrétien. Le choix pourrait ainsi être porté sur Luc Ayang, un Toupouri chrétien de l’Extrême Nord, actuel président du Conseil économique et social depuis une vingtaine d’années et qui a été Premier ministre de Biya dans les années 80. Ceci pour tenir compte du poids démographique de non peulh, très écrasant dans cette partie de notre pays. Comment vont se comporter les députés du Grand Nord à cette session parlementaire? Il est difficile de le savoir à l’heure actuelle, mais les débats seront houleux au sein du Rdpc toutes régions et ethnies confondues. Les Anglophones du pays ne seront pas en reste, eux qui estiment qu’il est temps qu’ils occupent – à raison – le palais d’Etoudi après les longs règnes d’Ahmadou Ahidjo (1960-1982) au Grand Nord et Paul Biya du Grand Sud de 1982 à nos jours, soit 27 ans. Pourront-ils être entendus ? Oui si cela dépendait du seul Biya, mais ses maîtres français qui lui ont suggéré cette modification verraient d’un très mauvais œil qu’un Camerounais d’expression anglaise assume un jour une transition démocratique. Ce qui pour les Français signifierait livrer le Cameroun avec ses immenses richesses du sous-sol aux pays anglo-saxons que sont les Etats-Unis et la Grande Bretagne. Pour échapper ou contourner les prétentions du Grand Nord de revenir au pouvoir, Biya peut bien remettre le pouvoir aux Anglophones un jour, n’eût été l’obstacle français. Fin politique, Biya qui ne veut pas à tout prix que le pouvoir revienne au Grand Nord pourrait être tenté de jouer la carte Sawa. En effet, beaucoup de Camerounais ne verraient pas d’un mauvais œil un Duala pur souche, un Yabassi, un Abo, un Pongo, un Mbo, un Bakoko occuper le poste de vice-président et plus tard de président de la République. Un Duala chef de l’Etat, cela pourrait calmer les Anglophones de la région du Sud-Ouest, car une bonne frange des originaires de cette partie du pays sont de la même aire socioculturelle que les Duala. Wait and see. |
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.