Jeudi dernier, le gouvernement a réintroduit le projet de loi portant code électoral, en changeant uniquement les références du texte: projet de loi N°911/PJL/ AN contre projet de loi N°910/PJL/AN précédemment. Ce jour à 16h, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, René Emmanuel Sadi sera face à la commission des lois constitutionnelles de l’Assemblée nationale afin de défendre ce projet de loi qui suscite une levée de boucliers tant au sein de la majorité que l’opposition.
Mais déjà ce lundi 9 avril, à 10h, les députés du groupe parlementaire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) ont rendez-vous, une nouvelle fois (après la rencontre houleuse de mardi dernier), au Palais des congrès de Yaoundé avec le Minatd, le vice-Pm, ministre délégué à la présidence de la République chargé des Relations avec les Assemblées, Amadou Ali, et le secrétaire général du comité central du Rdpc, Jean Nkueté, ou son adjoint Grégoire Owona. Il sera question d’aplanir les divergences entre le gouvernement et les élus de la majorité sur certaines dispositions contenues dans ce code.
L’on cite surtout les articles relatifs au mandat impératif, anticonstitutionnelle, et au montant des cautionnements, que certains députés jugent exorbitants s’agissant des conseillers municipaux 100.000 Fcfa contre 25.000 précédemment et des parlementaires (5 millions Fcfa contre 500.00 Fcfa précédemment). Durant le week-end dernier, des réunions stratégiques se sont succédées dans le sérail afin de trouver «la bonne formule» pour convaincre les élus.
Dans les rangs de l’opposition et de la société civile, c’est pratiquement l’union sacrée. Le groupe parlementaire du Social democratic front (Sdf) se réunit se jour pour centraliser les différentes critiques des députés au sujet de ce code électoral. Mais déjà jeudi dernier, sur les antennes de la Crtv-télé, dans l’émission «Espace politique», le ministre de la Communication du Shadow Cabinet de ce parti, Evariste Fopoussi Fotso, s’est livré à une charge violente contre le projet gouvernemental.
Le qualifiant de «provocation», l’ancien député a remis en cause la non-délivrance des cartes électorales au moment de l’inscription, l’absence de bulletin unique, le maintien de l’âge électoral à 20 ans, l’instauration, à travers l’augmentation des cautions, du suffrage censitaire, qui «défavorise les pauvres au profit des riches du Rdpc et, fort de cela, il n y aura plus de combat avec l’opposition, faute de combattants», l’absence d’une disposition sur le mandat présidentiel à deux tours, etc.
L’Union démocratique du Cameroun (Udc) notera que ce code consacré des «avancées sur des données périphériques». Le porte-parole de circonstance du parti de Ndam Njoya déplorera la «ruse habituelle du gouvernement, qui a attendu le dernier moment pour introduire ce texte en session de mars». Sur le fond, l’Udc rejoint le Sdf, en dénonçant en outre, l’accréditation des observateurs électoraux par le Minatd au lieu d’Elecam, la prééminence de la direction générale des élections sur le Conseil électoral d’Elecam, le maintien du découpage électoral en l’état, lequel est assorti des circonscriptions dites spéciales.
Marche pacifique
Même l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp), parti allié du Rdpc a décoché des flèches contre ce projet de code électoral. «Les consultations du Premier ministre avaient pour but d’amuser la galerie », a indiqué le communicateur du parti de Bello Bouba. Hier sur les antennes d’Equinoxe TV, Pierre Flambeau Ngayap, le secrétaire général de l’Undp a donné la position officielle du parti de Bello Bouba relativement à ce code électoral. «Si les cartes électorales ne sont pas délivrées immédiatement au moment de l’inscription, si les dispositions relatives à la durée du mandat présidentiel et au mode de scrutins ne sont pas revues, si le découpage électoral n’est pas équitable, les députés de l’Undp ne voteront pas ce texte», a-t-il assené.
Le Mouvement démocratique pour la défense de la République (Mdr), autre parti de la majorité présidentielle, prend également ses distances vis-à-vis de ce projet de code. Joint au téléphone, Dakolé Daïssala, s’insurge contre le montant des cautions pour les élections de proximité, notamment les législatives et les municipales. Pour lui, le gouvernement instaure à travers ces cautions le «vote censitaire». Cependant, l’ancien ministre ne rejette pas le mandat impératif, qui à l’en croire permettra de limiter le «vagabondage politique». Mais il précise à ce sujet que c’est le Rdpc qui a changé cette disposition, qui était inscrite dans la Constitution pour nuire à d’autres formations politiques. «C’est l’histoire de l’arroseur arrosé». Du reste, le G7 (groupe de 7 leaders de l’opposition), qui s’est réunie hier chez John Fru Ndi à Bamenda, promet de «prendre ses responsabilités» et appelle le peuple à «prendre son destin en main» au sujet de ce code (voir déclaration ci-contre).
Georges Alain Boyomo
Les candidats des puissances étrangères disqualifiés
Dans le projet de code électoral soumis à l’examen des députés, le diable est certainement dans les détails.
Il en est par exemple de l’article 118 de ce document de référence du système électoral. L’alinéa 1 de cet article dispose que «sont inéligibles les personnes, qui de leur propre fait, se sont placées dans une situation de dépendance ou d’intelligence vis-à-vis d’une personne, d’une organisation ou d’une puissance étrangères ou d’un Etat étranger». L’alinéa 2 du même article précise que «l’inéligibilité est constatée par le Conseil constitutionnel dans les trois (03) jours de sa saisine, à la diligence de toute personne intéressé ou du ministère public».
Difficile de ne pas déceler derrière cette démarche une volonté de mettre hors course les candidats, supposés ou réels, de la France, des Etats-Unis ou de lobbies étrangers. Au rang de ceux-ci figurent, d’après certains analystes, l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Marafa Hamidou Yaya ou encore Christopher Fomunyoh, le directeur Afrique de National democracy Institute (Ndi), un institut réputé proche du parti démocrate américain.
S’agissant du premier cité, Marafa Hamidou Yaya, des figures proches du sérail le considèrent comme le candidat du chef de l’Etat français Nicolas Sarkozy pour succéder au président sortant, Paul Biya. Probablement pour le malheur de ce peuhl de Garoua, Niels Marquardt, du moment où ce dernier officiait comme ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun en 2007, avait signalé à sa hiérarchie (d’après les révélations du Wikileaks) parmi «les successeurs propres, compétents et en bonne position», Marafa Hamidou Yaya.
Le diplomate américain, toujours selon les même câbles de Wikileaks, présentait l’ancien Minatd comme un personnage «ouvert, astucieux, dynamique, brillant» et comme «le favori de tous les ambassadeurs occidentaux de la ville [Yaoundé, ndlr]» ainsi que «le seul qui ait admis, en privé, devant lui, avoir l’ambition» d’être un jour candidat à l’élection présidentielle. Reste à savoir de quels éléments le Conseil constitutionnel disposera pour soutenir qu’un candidat potentiel à l’élection présidentielle a des connexions avec des puissances ou des lobbies étrangers, pour le déclarer inéligible. En attendant d’être édifié sur le sort qui sera réservé à cet article, on peut d’ores et déjà souligner que l’exemple ivoirien inspire le Cameroun…
G.A.B
DÉCLARATION DU GROUPE DES 7 PARTIS POLITIQUES RELATIVE À LA LOI PORTANT CODE ÉLECTORAL
Le groupe des 7 prend acte de la mauvaise foi récurrente du régime en place. Le constat général qui s’est dégagé de l’élection présidentielle d’octobre 2011 a fait étalage de l’incapacité d’Elections Cameroon à organiser des élections libres, justes et transparentes. Malgré l’illégitimité manifeste de celui qui a à charge le destin de la nation, le groupe des 7 a, après la saisine des instances judiciaires, après avoir pris à témoin la communauté internationale et le peuple camerounais, décidé de suspendre sa dynamique de contestation dans l’intérêt supérieur de la nation camerounaise. Le groupe avait alors espoir qu’après plus de trente ans à la tête de l’Etat. Monsieur Biya doterait enfin son pays d’institutions et des textes conformes aux standards internationaux en matière de démocratie.
Nous sommes au regret de constater que le projet de loi portant code électoral déposé à l’Assemblée nationale est en déphasage total avec les normes modernes en la matière. Il est la preuve manifeste de la mauvaise foi du régime qui est resté sourd aux revendications du peuple camerounais, revendications portées plus de 20 ans durant par les partis politiques, les organisations de la société civile, les autorités religieuses, la communauté internationale, etc.
Le peuple revendique en effet, depuis plus de 20 ans, entre autres:
- La limitation du mandat du président de la République à 5 ans, renouvelable une seule fois;
- Le scrutin présidentiel à deux tours;
- Le scrutin uninominal pour les législatives;
- Le bulletin unique;
- La majorité électorale à 18 ans;
- Le redécoupage électoral;
- L’utilisation de la technologie biométrique avec délivrance immédiate de la carte électorale;
- La définition légale du calendrier électoral.
La dissolution d’Elecam suivie de la création d’un organe véritablement indépendant est un préalable. Face à cet ultime refus de prendre en compte ces principales exigences, les leaders politiques du groupe des 7 prennent leurs responsabilités. Nous, leaders politiques du groupe des 7 réunis à Bamenda ce dimanche 08 avril 2012: rejetons en bloc ce projet de loi et demandons aux députés patriotes soucieux du devenir de leur pays, de s’abstenir de se prêter à cette négation de la démocratie dans notre pays; appelons le peuple, à prendre son destin en main, à l’instar du peuple sénégalais ; Quant à nous, nous prendrons toutes les nôtres.
Fait à Bamenda, le 8 avril 2012
PARTIS POLITIQUES
SDF,
UDC;
Dynamique,
AFP;
CPP;
PADDEC,
PAP